Sandwich bleu
Étrange exercice, étrange vision. Ce qui m'a échappé déjà en mouvement, échappe encore en arrêt sur image, et sombre encore plus ici, de haut en bas.
Une magnificence.
Vouloir garder, saisir, toujours et encore, la beauté insupportable de la vie, comme si ma vie en dépendait - et bien sûr échouer.
"Viens voir !", dit la mère à l'enfant pour lui montrer ce qui la ravit : un berceau de Moïse ouvert pendant la nuit, une feuille aux couleurs chatoyantes, un caillou parfaitement rond. Vois, regarde, regarde, vois, viens voir !
Est-ce qu'elle tient là, la première éducation esthétique, dans ce "viens voir... (comme c'est beau, la vie !)" ?
Mais ensuite, qu'est-ce qu'on en fait ?
Parfois c'est trop, alors il faut faire quelque chose, comme l'autruche de Dubuffet qui mange ce qui l'intéresse. Mais on ne peut pas manger un paysage, une belle lumière. Alors on la photographie ? Piètre réponse, au fond tellement pitoyable ! Sans doute, mais c'est à peu près tout ce que je sais faire. Alors tant pis pour le reste.
Et progressivement je passe, viens voir... ce que je trouve bleu, sombre, terrifiant, déchirant, ignoble, si sombre. Et bleu, radieux, paisible, tendre, si parfait juste à l'instant.
Je ne sais pas faire plus que ça. Je ne sais plus faire que ça.
Sandwich bleu - Marie-Galante 2011 : Paris 2020.