lundi 10 octobre 2016

La fugue - feuilleton napolitain (3)


 

Lumière et ombre







« Tell me everything about light ! », she said. 
Mais à peine avais-je commencé à lui raconter qu'elle n'écoutait déjà plus.

 

Une histoire de lumière, qu'elle a bien eu raison de zapper car j’aurais pu lui en parler pendant des heures, moi, de la lumière. C'est comme parler de l'air qu'on respire.


































Ce qu'il y a de beau à Naples, c'est cette façon dont la lumière devient une sorte de poudre ondoyante qui absorbe finement les formes et les dissout.

























Cette épaisseur mouvante de la lumière fait onduler la couleur, noie les nuances, crée une continuité d’existence et de matière entre corps, herbe, asphalte, laurier, cheveux, rochers, chaleur, odeur, cri d’oiseau et auréoles sur la mer. Je m’y promène comme dans mon propre jardin. Car la lumière là-bas ne tranche pas comme ici, elle rapproche et unifie. Passent les bleus-rouges de la mer, les verts-orangés des murs, et voilà que j’oublie que je suis en noir et blanc !







































C’est par l’ombre que je m’y retrouve. L’ombre napolitaine, forte, noire et opaque. Noire comme les murs. Dans certaines parties de la ville, il est difficile de parler de lumière tant tout ce qui vous entoure est noir. Les murs sont noirs, le sol, les pavés sont noirs. A ma toute première arrivée à Naples, perdue dans les ruelles derrière la Piazza Garibaldi, j’ai pensé, en fait j’ai espéré que cela vienne de la matière et que Naples était sans doute une ville construite avec de la pierre volcanique, une ville de lave, mais je me suis vite rendue compte que c'était juste de la crasse. Voilà, c'est noir de crasse, noir, noir, noir. Et dans cette chose noire, dans cette architecture, ce dédale de rues étroites et noires, sans trottoirs et presque sans ciel, j’étais pourtant éblouie et j’avais envie de revenir.




















Finalement, avec le temps, j’ai fini par aller vers l’ombre, par entrer dans les palais, les maisons. C’est là qu’était la vie. Le cœur qui bat sans peur, dans le noir.



























































Un espace d’intimité, aux fenêtres closes, dedans, dehors, une ombre qui enveloppe. Peut-être est-ce encore un point commun avec mon île, toute cette vie qui se libère dans l’obscurité, à la nuit tombée, un point commun aux pays de lumière ? Sauf qu’ici, l’ombre n’attend pas la nuit et que Naples me fait l’effet d’une ville souterraine.
















  





















« Tell me everything about light », she said. Et moi ce que j'ai vu d'elle, c’est l'ombre.

Alors, je suis partie à Procida pour aller jusqu'au bout de ma fugue.




(À suivre…)

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